F.ANSERMET P.MAGISTRETTI - "LES ENIGMES DU PLAISIR"-

"Les énigmes du plaisir"

François Ansermet et Pierre Magistretti, Odile Jacob, 2010

Le premier enjeu de ce livre était de mesurer s’il était possible de revisiter entre neurosciences et psychanalyse l’Au-delà du principe de plaisir, en examinant ce qu’il en est aujourd’hui de ce défi lancé par Freud à la fin de son texte, où il fait l’hypothèse que dans quelques décennies la biologie pourrait donner une réponse aux questions qu’il ne peut résoudre avec celle de son époque.
Au contraire de ce que Freud attendait, cet au-delà du principe du plaisir s’est révélé être plutôt un au-delà du biologique et de ses fonctionnements régulés, homéostatiques. A leur place, on retrouve en effet toujours le malaise et la destructivité, qui continuent à être le propre de l’humain, comme l’énoncera aussi Freud lui-même Freud dans Malaise dans la civilisation en rapportant celui-ci à « une disposition pulsionnelle primitive et autonome de l’être humain », qui démontre à quel point « il n’est point entré dans le plan de la création que l’homme soit heureux ».
Quoi qu’il en soit, comme l’écrit finalement Freud, « le principe de plaisir…l’univers entier – le macrocosme aussi bien que le microcosme – cherche querelle à son programme ». C’est ainsi qu’on discutera la façon dont le plaisir débouche irréductiblement sur du déplaisir, les deux se trouvant fatalement noué dans la jouissance - version lacanienne de l’au-delà du principe de plaisir freudien - que Jacques-Alain Miller a défini en un temps comme l’unification de la libido et de la pulsion de mort .
Mais cette impasse peut-elle trouver une issue ? C’est l’autre enjeu de ce livre d’en repérer les conditions, qui peuvent de façon surprenante s’appuyer sur certaines données récentes de la neurobiologie qui - contrairement à une certaine vision de la science parfois développée dans la psychanalyse - montrent un autre chemin que celui d’une détermination biologique.
Si l’on considère que le petit d’homme, inachevé de naissance, potentiellement dans un état initial de détresse, ne peut advenir que d’une part de ce vivant en excès qui le constitue, et d’autre part de ce qui lui est préalable, il faut bien que qu’un espace lui soit offert à cette fin et que cette liberté lui soit nécessaire. C’est ainsi qu’on a pu définir une biologie de la liberté, pour forcer l’expression, qui permette au sujet de se faire l’auteur et l’acteur d’un devenir qui est aussi une invention, et qui le distingue de ce qui le détermine.
C’est en ce point que Les énigmes du plaisir convergent avec les interrogations du Séminaire Les enfants de la science qui, à partir des situations extrêmes de la clinique nouvelle des biotechnologiques périnatales, cherche les repères propre à chaque sujet qui - procédant de l’écart, de la discontinuité et de la disjonction, comme nous le démontrons de façon inattendue à travers la rencontre entre neurosciences et psychanalyse - ne se laisse justement pas saisir, se révélant là aussi être d’abord déterminé pour ne pas l’être.

François ANSERMET

Psychanalyste, Professeur de pédopsychiatrie et Directeur du Département de psychiatrie à
l’Université de Genève, chef du Service de psychiatrie d’enfants et d’adolescents aux Hôpitaux
universitaires de Genève

& Pierre MAGISTRETTI
Médecin, Neurobiologiste, Directeur du Brain Mind Institute de l’École
polytechnique fédérale de Lausanne et du Centre de neurosciences psychiatriques de l’Université de
Lausanne, ancien titulaire de la chaire internationale du Collège de France, ancien président de la
Fédération des sociétés européennes de neurosciences